Une rencontre historique
21 Mai 1882. BOULA MATARI (« le Casseur de pierres »), surnom congolais de Stanley, s’apprête à affronter des eaux inconnues quand, écrit-il lui-même : « deux canots, très bien dirigés, nous abordent. Dans le premier se tient une femme qui joue vigoureusement de l’aviron et ramène, de temps en temps, le bras droit à la hanche, d’une façon très originale…Elle, sans la moindre hésitation manœuvre de façon à amener bord à bord quatorze mètres de longueur…, et mettant le poing sur la hanche, nous dévisage pendant plus de cinq minutes… Dessinez un portrait de Martha Washington ; colorez-le d’une teinte bronzée, ornez la tête de cheveux courts et crépus, et vous aurez sous les yeux le portrait de Gankabi. »
Une femme de caractère
Suivant la description de Stanley, Gankabi est le parfait idéal d’une princesse africaine. Sa stature fine et ferme, son visage déterminé et calme, indique une femme puissante et de caractère. Elle est habillée, d’une simple robe tissée d’herbe, et le seul signe extérieur de sa dignité est un lourd bracelet de cuivre. Très impressionné, l’explorateur poursuit son récit :
« Ainsi, vous êtes Boula Matari ? La reine de Mousyé avait l’intonation de voix d’un juge d’instruction interrogeant un prévenu.
-Boula Matari, précisément.
-Venez avec moi. Vous pourrez vous arrêter à Ngété aujourd’hui et nous nous rendrons demain à Mousyé.
Cette femme commandait déjà, conclut-il, et il eut le tort de lui fausser compagnie : quelques jours plus tard, il dut retourner présenter ses excuses et demander à Gankabi un gîte et des provisions pour réparer ses forces épuisées. »
La reine stratège du lac Mai-Ndombe
La première femme d’Afrique centrale à avoir impressionné à ce point Stanley devait par la suite recevoir bien d’autres visiteurs : le Révérend Grenfell et son épouse jamaïcaine, Cambier, Delcommune, etc. Dans leurs récits de voyages, ils évoquent tous avec la même admiration la force de caractère de Gankabi, reine des WABUMA.
En 1884, le gouverneur général De Winton venait s’entendre avec elle sur l’emplacement du futur poste de Mushie.
Intéressante est la question posée par son autorité. Celle-ci repose d’un côté sur une organisation coutumière faisant aux femmes une part plus grande qu’on ne le croyait, de l’autre sur un ascendant personnel. De fait, elle était régente, pour son jeune frère, d’une chefferie de pêcheurs et de commerçants, les Banunu, occupant une position-clef à l’entrée du Lac Mai-Ndombe (ex-Léopold II). Elle n’avait pas attendu d’y rencontrer les premiers Européens pour organiser, grâce au produit de la pêche de ses sujets, un fructueux système d’échange entre les richesses de l’intérieur (copal, ivoire etc.) et celles de Kinshasa où des articles importés commençaient à pénétrer.
Gankabi décède en 1892. Elle s’inscrit dans la mémoire historique comme une femme forte, dirigeante éclairée et négociatrice lucide, qui impressionna par son autorité les premiers colons arrivés au Congo.
Retrouvez sur notre site le catalogue de l'exposition itinérante "Femmes, d’Afrique" qui dresse le portrait d'une trentaine de figures féminines qui ont marqué, à différents moments et sous différentes formes, l'histoire d'un peuple, d'un pays, d'un royaume ou d'un empire, et qui marquent encore aujourd’hui la mémoire collective. Cette galerie de portraits valorise le rôle souvent méconnu que la femme africaine a joué dans l’histoire du continent et entend rendre compte des formidables mutations que la condition féminine y a connues, sous l'impact des chocs successifs vécus aux XXème et XXIème siècles.
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